On me dit que je suis née de Proudhon
Je ne sais pas s’il est vraiment mon père
Je suis plus ancienne, il n’est qu’un repère
Aristote parlait déjà de moi parait-il !
Je suis vieille mais si jeune encore
Je suis née avec l’âme prolétaire
J’ai connu les terres froides et gelées
De la paysanne Ukraine, la cosaque
Je suis fille de paysans, d’ouvriers
Aux mains craquelées par le labeur
Mon cœur est noir comme mon drapeau
Et je chante la Makhnovtchina.
Ma sœur est fille de la commune
Frangine des barricades d’infortune
Elle me disait sur la route de la déportation
"La révolution sera la floraison de l'humanité
Comme l'amour est la floraison du cœur."
Elle se perd depuis sur une ile lointaine.
J’ai roulé ma bosse dans les rues ensanglantées
Des grandes grèves de Boston à Chicago
On m’a jugée condamnée sans preuves
J’ai fini sur une chaise à Charlestown
Mais ma mémoire plane encore
Sur les murs des ruelles de tant de villes.
Je me suis battue à la bataille de l’Ebre
Ils m’ont assassinée à Guernica.
J’ai repris à nouveau le combat
Avec la main d’œuvre immigrée
Pour être encore une fois assassinée
Avec mes compagnons au Mont Valerian.
J’ai fait fleurir un mois de mai plein d’espoir
Où il était interdit d’interdire à tout vent
C’était un joli mois de mai au soleil levant
Et les coquelicots étaient bien rouges
Le peuple y croyait, il rêvait d’un autre monde
Des rues du quartier Latin à la Sorbonne
La patrie de Platon m’a vue renaitre de mes cendres
Je suis la belle rebelle Rouvikonas, la tenace
J’ai donné à la Grèce le sourire et l’espoir
Alors qu’on tentait de l’étouffer à petit feu
Sous une lourde chape d’austérité de ces raclures
J’ai résisté à Athènes avec ma gueule de métèque
Je suis la jeunesse éternelle, celle de la rue,
Cette femme qui se soulève et s’affirme.
Je suis le migrant qui regarde l’horizon et espère.
Je suis gay, transgenre et lesbienne insoumise.
Je suis l’ouvrière et le paysan, solidaires dans la lutte.
Je suis la gamine de notre Dame des Landes
Le poing levé sur toutes les barricades.
Je suis ce chien abandonné au bord de l’autoroute
Qui, de rage, rêve de devenir loup de l’émeute.